Réponse à la question: pourquoi les régimes se contredisent, les uns préconisent le cru, d’autres le tout cuit? »

M. Barrière, j’avais répondu à cette question en 2014 sous le titre « Avantages et inconvénients des aliments crus et cuits » . J’ai relu et corrigé cet article, qui à part quelques détails n’a pas vieilli. Je le republie aujourd’hui car je suis convaincue qu’il sera utile à la majorité de mes lecteurs.

Les aliments crus et cuits, leurs avantages et leurs inconvénients.  Par Jacqueline Lagacé, Ph.D.

1) L’influence de la cuisson des aliments sur l’évolution de l’homme

Les aliments que nous choisissons de consommer ou non ainsi que leurs modes de préparation ont des conséquences sur la palatabilité (consistance et goût des aliments), l’appétit, la digestion, l’assimilation de leurs différents constituants, l’élimination des déchets et des toxines ainsi que sur les gains énergétiques. Toutes ces fonctions, qui sont influencées par nos caractéristiques génétiques particulières et par notre mode de vie, ont un impact important sur notre santé y compris sur notre système immunitaire dont le rôle est de nous protéger contre le développement de maladies infectieuses et/ou chroniques.
On ne connait pas la date précise du début de la pratique de la cuisson des aliments. On sait toutefois que la cuisson des aliments est une coutume très ancienne si l’on tient compte de la durée de temps requise pour que des adaptations biologiques qui en découlent, telles la réduction de la taille des dents et de la mâchoire, qui sont des conséquences d’une mastication facilitée, deviennent évidentes. En ce qui concerne les intestins qui sont des tissus mous, les études archéologiques ne peuvent pas nous renseigner sur leur anatomie. Toutefois, lorsque l’on compare notre anatomie digestive avec celle des grands singes, les différences incluent un volume intestinal plus petit, un petit intestin plus long, un caecum et un colon plus petits et un transit intestinal plus rapide chez les humains. Ces dernières caractéristiques seraient des adaptations essentielles à une diète relativement élevée en densité calorifique qui caractérise l’utilisation de la cuisson des aliments.

Ainsi, analyser l’influence des aliments crus et cuits nous ramène obligatoirement à l’histoire évolutive de l’homme qui, à partir des pré-hominidés apparus il y a 25 millions d’années, a abouti il y a ± 200,000 ans à Homo Sapiens dont nous partageons encore aujourd’hui les mêmes gènes. Si des évidences biologiques suggèrent que la cuisson des aliments pourrait avoir débuté chez nos ancêtres Homo il y a environ 2 millions d’années, les évidences archéologiques de la maîtrise du feu, sont plus difficiles à situer dans le temps ; selon différentes fouilles effectuées dans des grottes, elles se situeraient entre 250 000 et 1 million d’années. Par exemple, en Chine et en Europe, des traces de feux entretenus sur de longues périodes de temps, montrant la présence de carcasses d’animaux, remonteraient à environ 400 000 ans. Ceci démontre que la cuisson des aliments est loin d’être un évènement récent comparativement à la culture des céréales et à l’élevage des animaux (consommation de laits animaux) qui remontent à environ 10,000 ans, ce qui représente moins de 1% de l’histoire évolutive de l’homme.
S’il apparaît que la viande et les tubercules seraient consommés par nos ancêtres humains depuis au moins 2 millions d’années, ce seraient les ressources énergétiques provenant de ces aliments préparés grâce à l’utilisation du feu qui auraient par leur apport critique d’énergie favorisé un niveau croissant d’activité, une augmentation de la fécondité et du taux de natalité, ainsi que celle de la taille de leurs corps et de leurs cerveaux. On sait qu’encore aujourd’hui, les gains énergétiques associés à la cuisson des aliments restent critiques puisque les protéines animales et les tubercules continuent d’être les aliments de base dans le monde et que les gains énergétiques conférés par la cuisson contribuent à expliquer pourquoi ces aliments sont cuits avant d’être consommés.

Ce sont les processus suivants, dus à la cuisson, qui ont permis d’améliorer la mastication, la consommation, la digestion et l’assimilation des aliments: le fait de briser les barrières physiques des enveloppes et des fibres des aliments; de faire éclater les cellules pour rendre leur contenu plus accessible à la digestion et à l’absorption; de modifier la structure physique des protéines et de l’amidon dans des formes plus accessibles à la digestion par les enzymes; la capacité de réduire la structure chimique des molécules non digestibles en des formes plus petites qui peuvent être fermentées plus rapidement et complètement ; la capacité de dénaturer des toxines et de tuer les pathogènes. De plus, l’adoption de la cuisson des aliments en plus d’accroître la variété des aliments comestibles, aurait créé une nouvelle forme de distribution de la nourriture qui a généré de nouveaux comportements sociaux permettant de mieux gérer les pressions de la compétition alimentaire avec probablement une forte influence sur la psychologie évolutive.

2) Il ne fait pas de doute que les humains sont des omnivores mais à quelle forme d’aliments sont-ils les mieux adaptés biologiquement ?

Est-ce qu’il y a des variétés et/ou des combinaisons particulières d’aliments ou de modes de préparation qui sont mieux adaptés à l’anatomie et à la physiologie homo et qui sont aptes à favoriser un développement plus harmonieux? C’est à ces questions que les chercheurs tentent de répondre à partir de leurs observations et de leurs analyses. Même si la consommation de viande pourrait avoir contribué à la qualité de la diète des hommes préhistoriques, le seul fait de consommer de la viande serait insuffisant pour supporter le développement des caractéristiques de l’homme moderne parce que ce dernier ne répond pas de façon optimale à une diète crue même lorsqu’elle comporte de la viande. Des paléontologistes suggèrent que la cuisson confère des bénéfices physiques et chimiques aux aliments qui sont consistants avec les adaptations alimentaires humaines observées telles la mastication, l’augmentation de la digestibilité des aliments ainsi que les gains énergétiques nets obtenus à partir des plantes et des animaux consommés régulièrement par les humains. Les travaux de recherche en anthropologie montrent que la cuisson des aliments aurait permis d’améliorer plusieurs aspects de la biologie évolutive des humains du Paléolithique tels l’augmentation du cerveau, de la masse corporelle, de la vitesse de croissance et de reproduction, la défense contre les parasites et les agents pathogènes d’origine alimentaire ainsi que la capacité de se déplacer sur de longues distances. Ces changements évolutifs seraient reliés à une meilleure palatabilité et digestibilité par la gélatinisation des amidons, la dégradation des fibres, la prédigestion des protéines qui permettent à la fois des gains énergétiques tirés des aliments tout en réduisant le coût énergétique de la désintoxication et de la défense contre les pathogènes. (cc-1). Un des grands avantages de la cuisson est de tuer les bactéries d’origine alimentaire incluant des souches associées à de la viande crue telles Escherichia coli, Salmonella, Campylobacter, Staphylococcus and Listeria. Si ingérés vivants, ces pathogènes régulent à la hausse le système immunitaire en augmentant le coût énergétique du métabolisme de base pour protéger l’organisme contre ces pathogènes dans le meilleur des cas.

L’observation des aborigènes d’Australie, dont le mode de vie serait encore proche de celui de la période Paléolithique, montre que la cuisson des aliments était importante à cette époque: ces derniers font cuire 94.1% des racines ( 51 espèces), 87.5% des noix (16 espèces), 84.4% des graines (45 espèces). De plus, la prédigestion des amidons par la cuisson a une importance particulière pour les humains puisque dans presque toutes les sociétés les aliments riches en amidon constituent les denrées prédominantes durant une grande partie de l’année.

3) Les performances physiologiques seraient compromises chez les crudivores

Il apparaît que de nombreux crudivores ne limitent pas la quantité de nourriture qu’ils consomment puisqu’ils disent avoir faim constamment même s’ils mangent fréquemment. Les humains qui suivent une diète végétarienne prennent plus de poids et montrent une meilleure capacité reproductive lorsqu’ils consomment une alimentation cuite plutôt qu’une alimentation crue. Ainsi, consommer uniquement des aliments crus fournit moins d’énergie tel que démontré chez les femmes crudivores qui présentent des taux d’aménorrhée (absence ± prolongée de menstruation) ou d’irrégularité menstruelles plus élevées que celles qui consomment des aliments cuits. Les travaux de Koebnick et al., ont montré que les menstruations étaient absentes chez 23% des femmes en âge de procréer qui consommaient au moins 70% de leurs aliments sous forme crue et chez 50% de celles crudivores à 100%. Il est révélateur que l’addition de viande crue à leur diète végétarienne n’améliore pas la situation. Par contre, les femmes végétariennes qui consomment des aliments cuits ne montrent pas de tels problèmes. Donc les problèmes ovariens ne sont pas dus à une alimentation végétarienne mais bien à une alimentation exclusivement crue à long terme. Une autre étude crédible a permis de démontrer, à la fois chez des hommes et des femmes, qu’une diète essentiellement crue à long terme, était associée à une masse osseuse plus faible comparativement aux témoins contrôles, au niveau de zones cliniquement importantes telles la colonne lombaire et les hanches, sans qu’une augmentation du « Turnover » osseux ou un manque de vitamine D aient été décelés.

De plus, les crudivores qui désirent engraisser n’y arrivent pas même si les végétaux qu’ils consomment sont de grande qualité telle des graines et légumineuses germées, des pousses vertes, des fruits, des noix et des céréales incluant des huiles. Il est remarquable que même si les crudivores s’opposent à la cuisson des aliments, ils les préparent avec soin à l’aide de méthodes de broyage, de germination, de compression et même de la chaleur jusqu’à 48 ° C (118 °F). Certains auteurs affirment même que l’analyse nutritionnelle d’une diète d’aliments crus naturels qui présentent des valeurs énergétiques faibles et qui sont riches en fibres peuvent limiter l’apport énergétique dans des communautés traditionnelles de telle sorte que cette diète complique leur survie et leur reproduction.

Ceci suggère que chez les humains, les gains calorifiques conférés par la cuisson peuvent non seulement être avantageux mais être nécessaires à long terme pour des fonctions biologiques normales. Il serait donc utile que l’étiquetage des denrées alimentaires tienne compte de la préparation des aliments, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cette inéquation entraîne des erreurs d’estimation des apports nutritionnels concernant les aliments cuits.

Dans le même ordre d’idée, des expériences ont démontré que des souris nourries avec des viandes cuites développent une masse corporelle plus grande que celles nourries avec des viandes crues même lorsqu’elles en consomment moins (poids secs) démontrant que la cuisson augmente l’énergie extraite par gramme de viande consommée. Ce paradoxe peut s’expliquer en grande partie par la meilleure digestibilité des aliments cuits, leurs coûts énergétiques moindres durant la digestion et le fait que le système immunitaire soit moins sollicité puisque la cuisson tue la grande majorité des pathogènes. De plus, des travaux ont démonté que deux groupes d’individus qui consomment les mêmes aliments tout en comptant les calories, expérimentent un gain de poids plus important pour un niveau d’activité physique comparable selon qu’ils consomment leurs aliments cuits plutôt que crus.

En conclusion, les études qui montrent une masse corporelle et une capacité reproductrice moindres parmi les individus qui suivent une diète végétarienne crudivore suggèrent que la cuisson est nécessaire chez les humains pour extraire efficacement l’énergie à partir des végétaux même quand ces aliments ont été modifiés par l’agriculture et ont été traités par des procédés non thermiques. La possibilité que la cuisson soit obligatoire repose sur le fait que des calculs suggèrent qu’une diète crue ne peut apporter la quantité de calories suffisante pour le mode de vie d’un chasseur cueilleur normal. Plus précisément, plusieurs plantes sont trop riches en fibres lorsqu’elles sont crues alors que la plupart des viandes crue apparaissent trop difficile à mastiquer.

4) Les bienfaits d’une diète crue

Une diète crue s’avère efficace pour contrer les problèmes de gain de poids. Plusieurs aliments conservent mieux les qualités de plusieurs nutriments lorsqu’ils sont consommés crus car la chaleur peut détruire des nutriments tels les vitamines solubles dans l’eau, plusieurs anti-oxydants et des gras non saturés. De plus, les effets bénéfiques des fibres alimentaires à la fois insolubles et solubles peuvent être altérées et réduits par la cuisson.
L’alimentation crue en stimulant le système immunitaire favoriserait la prévention des maladies inflammatoires chroniques y compris les maladies cardio-vasculaires et les cancers. Les aliments crus favoriseraient également la capacité d’améliorer le contrôle du glucose sanguin chez les diabétiques.

La cuisson des protéines animales à haute température (≥ 110°C ou 230°F) génère des glycotoxines (advanced glycation end products (AGEs)) qui favorisent le développement de maladies chroniques alors que le fait de griller des viandes à très haute température entraîne la formation de composés carcinogènes tels les amines hétérocycliques. De plus, la cuisson à partir de110°C ou 230°F de certaines céréales (blé et céréales apparentées) et de certains légumes (pommes de terre) qui contiennent de grandes quantités d’un acide aminé nommé asparagine entraîne le développement d’une glycotoxine neurotoxique, l’acrylamide, suite à son association avec des sucres tel l’amidon.

On insiste beaucoup sur les bienfaits d’une alimentation crue. Par exemple, on affirme que les enzymes contenus dans les aliments crus, lesquels sont détruits par la cuisson, favorisent la digestion. Une certaine digestion par les enzymes des végétaux est probable dans la bouche par contre le problème est que je n’ai trouvé aucune étude qui démontre que ces enzymes de plantes peuvent résister à l’acide chlorhydrique présente dans l’estomac. De plus, comment imaginer que des enzymes de plantes aient évolué de sorte qu’ils résistent à un pH approximatif de 2 tel celui de l’acide gastrique ?

L’alimentation crue repose sur une grande quantité de végétaux variés. En alimentation crue, les grains, les noix et les légumineuses doivent subir des traitements parce ce que ces aliments contiennent des anti-nutriments et des inhibiteurs d’enzymes (phytates ou acide phytique, lectines, saponines et inhibiteurs de protéase) À moins d’être désactivés, ces anti-nutriments peuvent nuire à la digestion et à l’assimilation des nutriments. Le trempage dans de l’eau, la germination, différentes formes de fermentation permettent de rendre disponibles les différents nutriments de ces aliments en neutralisant une partie de ces anti-nutriments et en augmentant le potentiel de leurs activités biologiques telles l’augmentation de la production d’antioxydants et de vitamines, particulièrement celles du complexe B des aliments ainsi traités. Il est important de faire tremper les légumineuses et de les préparer de façon adéquate selon leurs caractéristiques car les humains ne possèdent pas des enzymes digestives capables de réduire les phytates. De plus, suite à leur trempage et à leur germination, les légumineuses telles les lentilles, les haricots mungo, les niébés, les fèves soya et les graines de radis, de brocoli, et de tournesol montrent une augmentation de leurs qualités nutritives en lien avec leurs propriétés antioxydantes dues aux polyphénols (simple phénols, acides phénoliques, coumarines, flavonoïdes, stilbènes, tannins, lignanes et lignines)

Il a été démontré que différentes conditions de trempage (ajout de jus de citron par exemple) et/ou de germination des légumineuses et des graines, selon les temps d’exposition à la lumière, en fonction de leurs caractéristiques propres, peuvent influencer significativement le potentiel de leurs activités biologiques. Ainsi, dans le cas des lentilles, un éclairage continu et une durée de la germination de 3-4 jours peuvent augmenter leur profil phénolique ce qui peut se traduire par une augmentation significative de leur potentiel antioxydant.

N.B. : le trempage et la cuisson des légumineuses inactivent les anti-nutriments contenus dans les légumineuses sans toutefois entraîner l’augmentation de l’activité biologique obtenue par la germination. D’autre part, l’inactivation par trempage et germination n’éliminent pas complètement l’activité des anti-nutriments.

5) Quelles sont les conditions de préparation des aliments les plus aptes à favoriser leurs potentiels pro-santé ?

5.1 ’influence de la cuisson sur l’activité anti-oxydante et/ou anti-cancérigène des légumes.

Les végétaux contiennent plusieurs composés antioxydants hydrophiles et/ou lipophiles. Il y a synergie entre ces composants antioxydants dans leur efficacité à capter les radicaux libres causes d’oxydations et de vieillissement accéléré. Les antioxydants agissent aussi en tant que chélateurs de métaux donc comme détoxifiants. Il y a de plus des évidences que des molécules telles les isothiocyanates contenus dans les végétaux de la famille des crucifères auraient un impact épigénétique dans la prévention de cancers. Ainsi, les antioxydants peuvent réguler les réponses inflammatoires et immunitaires et exercer des propriétés anti-ulcéreuses comme c’est le cas pour les sulforaphanes et les isothiocyanates du brocoli ainsi que pour l’allicine de l’ail. Comme la plupart des légumes sont consommés après cuisson, il est important de connaître quels sont les modes de cuisson à privilégier et dans quel cas il est vraiment important de consommer certains d’entre eux sous leur forme crue.

Le mode de cuisson par ébullition dans de l’eau constitue le mode de cuisson qui induit les plus grandes pertes d’antioxydants pour la majorité des légumes et particulièrement pour le chouxfleur, les pois et les zucchini. Quelques légumes conservent malgré tout un peu plus de 60 % de l’activité de leurs antioxydants lors de ce type de cuisson, il s’agit de l’artichaut, du chou, du kale, des choux de bruxelle, du radis, de l’ail, de la betterave, de l’haricot vert et des asperges. Par contre, l’ail perd sa capacité de piégage des métaux lors de la cuisson par ébullition. À l’opposé, la bette à carde et les poivrons sont les plus affectés par tous les modes de cuisson en ce qui concerne la préservation des antioxydants. La cuisson vapeur par pression (Presto) par opposition à la cuisson vapeur douce, entraîne une perte importante (25-50%) des antioxydants chez la très grande majorité des légumes à l’exception de ceux qui résistent à l’ébullition. Par contre quelques rares études utilisant la cuisson à la vapeur douce montrent que le chou-fleur ainsi que des plantes de jardin consommées dans la diète Méditerranéenne conservent un pourcentage élevé de leur contenu en antioxydants. L’avantage secondaire de la cuisson à la vapeur douce dans le cas des plantes de jardin était que dans 7 cas sur huit, la quantité de nitrate était diminuée par comparaison avec les plantes non cuites.

Une étude physiologique de Vermeulen démontre de plus que la consommation de brocoli cru résulte en une absorption plus rapide, une plus grande bio-accessibilité et un pic plasmatique plus élevé des substances anti-cancérigènes que le brocoli cuit. Il a été également démontré que la consommation de crucifères crus réduirait le risque de développer un cancer de la vessie.

L’ail cru présente une action protectrice contre le cancer du poumon. Cette action est dépendante de la dose-réponse, ce qui est une preuve difficilement contestable de l’efficacité de l’ail cru en tant qu’agent chimio préventif du cancer du poumon.

5.2) Stabilité et bio-accessibilité des différentes formes de carotènes et de vitamine A.

La cuisson amollit les membranes et facilite l’extraction des caroténoïdes. La perte des vitamines tout comme celle des antioxydants varie avec le mode de cuisson. La friture, globalement est un mode de cuisson très défavorable parce qu’elle déshydrate les légumes permettant ainsi au gras de pénétrer dans les aliments. De plus, les aliments cuits dans de l’huile déjà utilisée (restaurants) contiennent des niveaux élevés de produits polymérisés indésirables au point de vue santé.

Les carotènes présents dans de nombreux fruits et légumes sont instables et peu bio-accessibles. La meilleure source de carotène provient des épinards cuits pour une valeur de 2.6 mg/100 g de matière sèche comparativement à 2.0 mg/100 g de matière sèche pour les épinards crus. C’est sous forme de jus de carottes cru que l’on obtient la plus grande quantité de vitamine A bio-accessible soit 1850 µg/100 g de matière sèche.  Par comparaison on obtient  790 µg/100 g de matière sèche avec les épinards cuits et 80 µg/100 g de matière sèche avec les épinards crus. Il y a donc près de 10 fois plus de vitamine A bio-accessible dans les épinards cuits que dans les épinards crus.

5.3) L’effet de la cuisson sur l’activité anti-plaquettaire (inhibition de l’agrégation des plaquettes sanguines responsables de la coagulation du sang) de l’oignon et de l’ail.

Les oignons et l’ail sont riches en substances anti plaquettaires (SAA) qui peuvent contribuer à la prévention des maladies cardio-vasculaires. De façon générale même si la cuisson affecte l’activité anti-plaquettaire contenue dans les légumes, les effets varient selon le mode de préparation de ces légumes. Il a été démontré que l’activité SAA de ces légumes peut être préservée en grande partie si les bulbes sont intacts et que la durée de la cuisson ne dépasse pas 10 min. à une température moyenne. Par contre, si l’on désire conserver l’activité maximale anti-plaquettaire des oignons et de l’ail, ces derniers devraient être coupés en petits morceaux et consommés crus.

5.4) L’activité antimicrobienne du jus d’ail frais

Il a été démontré que le jus d’ail frais possède une activité antimicrobienne importante contre Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Streptococcus hemolyticus B, S. hemolyticus A, Klebsiella sp., Shigella dysenteriae et Candida albicans. Candida albicans est une levure responsable de plus de 70 % des infections vaginales et de 60% des infections urinaires qui touchent un nombre considérable de femmes au cours de leur vie. C’est ce microorganisme qui est le plus sensible à l’activité antimicrobienne du jus d’ail frais. Le jus d’ail frais doit être consommé rapidement à une concentration de 5% ou plus et il ne doit pas être conservé même à 4°C.

5.5) La cuisson à la vapeur douce de certains légumes améliore la détoxication de l’organisme.

La cuisson à la vapeur douce améliore de façon significative la capacité du chou vert, du kale, des feuilles de moutarde, du brocoli, et du poivron vert à se lier aux acides biliaires et à favoriser leur excrétion fécale comparativement aux valeurs obtenues lorsque ces mêmes légumes sont consommés crus. Tous ces légumes verts lorsqu’ils sont consommés régulièrement suite à une cuisson à la vapeur douce diminueraient le risque de maladies cardiovasculaires et de cancer.

5.6) Effets de la cuisson sur la biodisponibilité du calcium, du fer et du zinc contenus dans les légumineuses.

Les fèves blanches contiennent du calcium, fer et zinc mais également des phytates, oxalates, protéines, polyphénols et des sucres complexes qui interagissent avec les minéraux et qui affectent leur biodisponibilité. Des expériences ont démontré que la cuisson augmentait le pourcentage de biodisponibilité du calcium (disponibilité de 18.8% par rapport à 3.6 pour le cru), du fer ( 33.7% par rapport à 1.7%) et du zinc (17.2% par rapport à 2.1 %). (cc-10). Cette plus grande disponibilité de ces minéraux serait dûe à la diminution des substances anti-nutritives (phytates) lors de la cuisson.

6) Conclusion

Il est maintenant évident que la diète est un facteur qui influence fortement la santé humaine et on ne peut plus continuer à la considérer comme de la simple nutrition. Une diète idéale que l’on peut qualifier du terme de nutrigénomique* doit s’appuyer sur les données de l’évolution, de la génétique et de l’épigénétique pour le choix des aliments et leurs modes de préparation. Une telle alimentation doit permettre de répondre le mieux possible aux exigences de notre physiologie pour le maintien d’une santé équilibrée capable de moduler l’homéostasie (équilibre de fonctionnement) de tout l’organisme et en particulier celle du système immunitaire, des fonctions de désintoxication de l’organisme, ainsi que l’expression appropriée de nos gènes.

Le fait de consommer des aliments cuits et/ou crus ainsi que les techniques utilisées pour préparer les aliments ont une grande influence sur leurs propriétés nutritives et leur bio-disponibilité. Comme il n’est pas toujours évident que tel principe de préparation (cru et/ou cuit) est nécessairement idéal pour tirer le maximum de bienfaits de tel aliment particulier, il est indiqué de consommer, lorsque c’est possible, les mêmes aliments sous leur forme crue et cuite. De plus, le choix d’un mode de cuisson qui protège le plus possible les principes actifs des aliments s’impose. La cuisson des végétaux à la vapeur douce semble être préférable.

Des travaux de recherche suggèrent fortement qu’une alimentation exclusivement crue et à long terme, n’est pas bien adaptée à notre génétique; ceci n’exclut pas le fait que certaines personnes peuvent profiter de ce mode d’alimentation mais il est clair que ce mode d’alimentation ne convient pas à tous : ne pas oublier la règle d’or en alimentation qui peut se résumer dans cette simple phrase « Écoute ton corps », ceci parce qu’il existe des variations interpersonnelles importantes entre les individus.

Il est important de préciser que des quantités adéquates de nutriments provenant d’une alimentation équilibrée qui tient compte des caractéristiques pro-inflammatoires de certains aliments en fonction des prédispositions génétiques des individus, joue un rôle important dans le maintien de la santé, la prévention et la mise en rémission de maladies d’inflammation chronique. On reconnaît également l’importance de la consommation d’antioxydants, contenus dans certains de nos aliments lesquels sont aptes à jouer un rôle dans la prévention et le traitement des maladies inflammatoires chroniques, incluant les maladies neuro-dégénératives.

Pour conclure, il est urgent de reconnaître que plus nos aliments sont transformés par l’industrie alimentaire, plus on observe une croissance accélérée des maladies inflammatoires chroniques alors même que la science de l’épigénétique nous apprends que les changements pathologiques ainsi observés peuvent se répercuter chez les générations suivantes.

* : La nutrigénomique est la science qui étudie la façon dont les gènes et les nutriments interagissent et qui explique pourquoi les personnes réagissent différemment aux nutriments en fonction de leurs variations génétiques.

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6 Commentaires

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6 réponses à “Réponse à la question: pourquoi les régimes se contredisent, les uns préconisent le cru, d’autres le tout cuit? »

  1. Avatar de Nathalie Béland Nathalie Béland

    Bonjour! Qu’est-ce que la cuisson à la vapeur douce. Nous avons une casserole avec un panier à trous dans lequel on peut mettre nos légumes. On met le tout sur le rond du poêle et les légumes cuisent àa la vapeur induite pas l’eau qui bout sous le panier. Est-ce de la cuisson à la vapeur douce?

    • Avatar de Jacqueline Jacqueline

      Bonjour Nathalie, il s’agit effectivement d’une cuisson à la vapeur douce. Il s’agit ici d’une technique simple et santé.

  2. Avatar de Danielle Sabourin Danielle Sabourin

    Grand merci pour ce rappel, car je vois qu’avec le temps, j’avais oublié certains détails importants.

  3. Avatar de Marine Marine

    Excellent! Merci infiniment !

  4. Avatar de Odile Loulou Odile Loulou

    merci pour cette lettre sur les aliments crus et cuits. beaucoup d’informations importantes et intéressantes

  5. Avatar de Paule Mongeau Paule Mongeau

    WoW ! Quelle belle recherche Jacqueline. Merci beaucoup, très intéressant ! ________________________________

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