Est-il vraiment pertinent d’utiliser l’indice glycémique pour le choix de nos aliments?

Remise en cause de la pertinence d’utiliser l’indice glycémique (IG) comme guide pour le choix d’une alimentation santé pour l’ensemble de la population par les principales associations du domaine de la santé telles le WHO, l’EFSA et autres. (mise à jour en 2017)

La remise en question de la pertinence de l’indice glycémique (IG) comme guide pour le choix d’une alimentation santé concerne d’une manière particulière les aliments riches en amidon. On a prétendu que les aliments riches en amidon et/ou dont l’indice glycémique était élevé favorisaient un surplus de poids. De telles affirmations, non fondées pour l’ensemble de la population, ont influencé la rédaction de guides alimentaires inappropriés.  S’appuyant sur l’indice glycémique des aliments, des médecins et des nutritionnistes ont conseillé d’éviter ou de limiter fortement la consommation d’aliments riches en amidon alors que ces derniers possèdent souvent des caractéristiques santé indéniables. C’est d’autant plus regrettable que ces aliments nutritifs sont souvent offerts à des prix abordables. C’est le cas par exemple de la pomme de terre bouillie, riche en fibres solubles, vitamine C, potassium, magnésium et polyphénols ; même ses protéines, bien qu’elles soient peu nombreuses, sont facilement digestibles et de qualité (présence des acides aminés essentiels). Il faut savoir que le concept de l’IG a été développé en 1981, principalement pour les diabétiques (1):   l’indice glycémique des aliments est en relation avec la quantité d’insuline qui est sécrétée dans le sang après l’ingestion d’un aliment particulier, en fonction desglucides à digestion lente ou rapide qu’il contient. Plus la sécrétion d’insuline est rapide, plus l’indice glycémique de l’aliment sera élevé.

Les recommandations des autorités en santé

 Toutes les recommandations récentes émanant des autorités en santé – USDA (2-4) , EFSA (5,6), OMS (7), The World Cancer Research Fund (8) – concluent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour affirmer que choisir des aliments avec un indice glycémique faible permet de diminuer le risque de développer des maladies chroniques pour l’ensemble de la population.  Le groupe d’experts The Nordic Nutrition Recommandations (NNR) – qui a effectué une revue systématique des travaux scientifiques portant sur la qualité et la quantité des glucides consommés dans le but d’évaluer l’influence de l’indice glycémique sur l’état de santé des populations – est d’avis également que l’ensemble de la population n’a pas à faire ses choix alimentaires en fonction de l’indice glycémique des aliments (9). Récemment, Santé Canada a publié un article indiquant que les valeurs de l’indice glycémique apparaissant sur les étiquettes des aliments pouvaient induire les consommateurs en erreur et n’ajoutaient aucune information valable susceptible d’aider les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains (10). Tous ces groupes reconnaissent que la méthodologie, la validité et l’utilisation de l’indice glycémique des aliments doivent être clarifiées. Les raisons de douter de la pertinence de l’indice glycémique pour choisir ses aliments viennent du fait que l’IG peut être influencé par la nature chimique et physique de l’ensemble des aliments consommés au cours d’un repas, le moment de la journée au cours duquel le repas est pris (le repas du matin assure un meilleur contrôle glycémique que le repas du soir) ainsi que par des facteurs propres à chacun d’entre nous. En fait, tous les éléments suivants influencent l’indice glycémique : le type de fibres alimentaires, la structure des amidons, les types de sucre, de lipides, le contenu en protéines, en eau, la structure cellulaire des aliments, leurs interactions moléculaires, la distribution de la taille des particules, la présence d’inhibiteurs d’amylase ou d’acides organiques, les méthodes de préparation des aliments et le degré de mastication (11-13). Les études qui cherchaient à établir un lien entre le choix des aliments à indice glycémique faible et la prévention des maladies chroniques et/ou des problèmes métaboliques ont échoué pour les raisons suivantes :

1) la présence de différences individuelles considérables dans la réponse au glucose quand différents aliments sont testés ;

2) la disponibilité des glucides dans les aliments, qui peut être surestimée par rapport aux quantités réellement absorbées ;

3) l’utilisation de tables internationales qui ne correspondent pas nécessairement aux différentes productions locales d’aliments ;

4) dans plusieurs essais, les aliments considérés comme ayant un IG faible et les aliments contrôles différaient sur des éléments tels que le contenu en fibres solubles et insolubles, la viscosité des fibres et autres contenus en macronutriments ;

5) les effets de l’heure du repas et l’influence du repas précédent ne sont pas pris en compte, sans oublier que la réponse au glucose dépend de l’ensemble des différents aliments consommés durant un repas, alors qu’avec l’IG on ne tient compte généralement que des glucides ;

6) il n’y a pas toujours de cohérence entre l’IG et la réponse insulinémique ;

7) des tests physiologiques ont montré que les formules utilisées pour évaluer l’indice glycémique des aliments surestiment de façon générale ces indices par des marges de 22 à 50 %.

Une chose est certaine, l’influence de l’indice glycémique quant au choix des aliments santé prête énormément à controverse, particulièrement pour les gens qui ne souffrent pas de diabète ni d’excès de poids.  Une étude récente particulièrement révélatrice a été effectuée sur de jeunes adultes en santé, chez lesquels on a étudié l’influence de l’heure à laquelle un repas à indice glycémique faible et/ou élevé était consommé. Lorsque le repas était consommé le matin, quel que soit l’indice glycémique du repas, on observait un très bon contrôle glycémique. Lorsque le même repas était consommé à la fin de la journée, on observait une dégradation du contrôle glycémique, indépendamment de l’indice glycémique du repas. De plus, la différence était plus marquée dans le cas du repas à faible indice glycémique puisqu’aucun avantage métabolique n’était obtenu suite à ce repas (13).

Ces résultats viennent à mon avis appuyer l’importance du petit déjeuner pour une santé optimale et devraient influencer les diabétiques et les personnes qui souffrent d’embonpoint à considérer ce repas en tant que pivot de leur alimentation. Ils auraient, de plus, avantage à prendre un repas léger au souper.

En 2010, The Dietary Guidelines Advisory Committee on the Dietary Guidelines for Americans (14) conclut que « lorsque l’on sélectionne des aliments glucidiques, il n’est pas nécessaire de tenir compte de leur indice glycémique ni de leur charge glycémique.  Ce qui est important, c’est d’être conscient de leurs calories, de leur densité calorifique et de leur contenu en fibres ». Par contre, les différents rapports américains et européens cités précédemment concernant la consommation de glucides dans l’alimentation humaine concluent : « Il y a des éléments de preuves contradictoires qui indiquent que les aliments ayant un IG élevé pourraient être associés à une augmentation du risque de développer un diabète de type 2 ainsi que des maladies cardiaques, particulièrement chez les gens en surpoids ou obèses. » Ces preuves, selon eux, seraient toutefois insuffisantes pour recommander d’introduire l’indice glycémique dans les recommandations nutritionnelles concernant l’ensemble de la population.

Un article publié en 2014 dans la revue scientifique JAMA (15) avait pour objectif de démontrer que l’indice glycémique des aliments et la quantité totale de glucides alimentaires étaient des facteurs qui pouvaient favoriser le développement des maladies cardiovasculaires et du diabète. L’étude fut réalisée sur 163 adultes de 30 ans et plus qui ne souffraient pas de maladies cardiovasculaires ni de diabète ou de maladies rénales chroniques mais qui présentaient un risque élevé de développer une maladie chronique : 56 % étaient obèses, 26 % souffraient d’hypertension et les autres de pré-hypertension, 56 % présentaient des taux de cholestérol LDL supérieurs à 132 mg par décilitre et 30 % présentaient un taux de glycémie à jeun trop élevé. Les patients ne devaient prendre aucun médicament en lien avec leur problème de santé pour faire partie de l’étude. Les participants avaient la possibilité de suivre quatre diètes santé complètes. Les aliments pour chacune des diètes étaient fournis et contrôlés par le centre de recherche. Chaque diète durait cinq semaines et était suivie par un retour à la diète usuelle des participants pendant deux semaines. Chaque participant a complété au moins deux de ces diètes qui étaient attribuées de façon aléatoire. Deux des diètes glucidiques comportaient un nombre élevé de calories (58 % des calories totales) ; une de ces diètes comportait des aliments à indice glycémique faible (≤ 45) alors que l’autre comportait des aliments à indice glycémique élevé (≥ 65) ; les deux autres diètes étaient moins riches en glucides et leur nombre total représentait un nombre de calories plus faible (40 % des calories totales) ; une de ces diètes comportait des aliments à indice glycémique faible (≤ 45) alors que l’autre comportait des aliments à indice glycémique élevé (≥ 65). Contrairement à ce qui était attendu, les diètes glucidiques à indice glycémique faible, lorsque comparées aux diètes glucidiques à indice glycémique élevé, n’ont pas entraîné une amélioration de la sensibilité à l’insuline, ni une amélioration du niveau de lipides sanguins ou de la pression sanguine systolique. Les auteurs en ont conclu que dans le contexte d’une diète santé (genre diète méditerranéenne riche en grains entiers, légumes et fruits), utiliser l’indice glycémique pour sélectionner les aliments n’améliore pas les facteurs de risques cardiovasculaires et ou la résistance à l’insuline.

Une méta-analyse effectuée à partir de 28 travaux de recherche a montré également que le fait de diminuer l’indice glycémique des aliments n’a pas diminué le taux de  holestérol HDL, de triglycérides, ni de cholestérol LDL sauf dans les cas où le contenu en fibres avait été augmen (16). L’influence favorable marquée de la consommation d’une alimentation riche en fibres alimentaires en améliore significativement la réponse glycémique, entraîne une diminution sérique du cholestérol de faible densité (LDL) ainsi que la réduction du risque de maladies cardiovasculaires chez les adultes et les enfants (17). En fait, augmenter le contenu en fibres de la diète en améliore la qualité, le contenu en antioxydants et a un effet bénéfique sur la santé humaine.

En conclusion, les individus qui ont une diète santé équilibrée, riche en fibres, légumes variés, légumineuses, fruits, grains entiers tout en consommant de façon raisonnable des viandes maigres lorsque désiré, n’ont pas à se préoccuper de l’indice glycémique des aliments, même ceux qui sont en surpoids. En fait, suivre une diète équilibrée semble avoir beaucoup plus d’incidences positives sur la santé que choisir ses aliments en fonction de leur indice glycémique.

Références

  1. Jenkins DJ, Wolever TM, Taylor RH et al. Glycemic index of foods : a physiologicalbasis for carbohydrate exchange. Am J Clin Nutr. 1981 ; 34 : 362-366.
  1. USDA Center for Nutrition Policy and Promotion. Alexandria, VA : 2010. USDA’sNutrition Evidence Library (NEL) http ://www.nutritionevidencelibrary.com [cited16 November 2011].
  1. Dietary Guidelines Advisory Committee. Washington, DC : US Department ofAgriculture, Agriculture Research Service ; 2010. Carbohydrates. Report of the DietaryGuidelines Advisory Committee on the Dietary Guidelines for Americans.
  1. Department of Agriculture DoHaHS. 7th edition. Washington, DC : US GovernmentPrinting Office ; 2010. Dietary guidelines for Americans.
  1. European Food Safety Authority. Scientific opinion on dietary reference values forcarbohydrates and dietary fibre. EFSA Journal. 2010 ; 8 : 1462.
  1. Overby NC, Sonestedt E, Laaksonen DE, et al. Dietary fiber and the glycemicindex : a background paper for the Nordic Nutrition Recommendations 2012. FoodNutr Res. 2013 ;57. doi : 10.3402/fnr.v57i0.20709. Epub 2013 Mar 25.
  1. Mann J, Cummings JH, Englyst HN et al. FAO/WHO scientific update on carbohydratesin human nutrition : conclusions. Eur J Clin Nut. 2007 ; 61(Suppl. 1) :S132–137.
  1. World Cancer Research Fund, American Institute for Cancer Research. Washington,DC : AICR ; 2007. Food, nutrition, physical activity and the prevention of cancer :a global perspective. Washington, DC : AICR.
  1. Nordic Council of Ministers. Nordic Nutrition Recommendations 2004. Integratingnutrition and physical activity. 4th edition. Copenhagen, Denmark : Norden ; 2005.
  1. Aziz A, Dumais L, Barber J. Health Canada’s evaluation of the use of glycemic  index and glycemic load : measurement issues and their effect on diet-disease relationships. Eur J Clin Nutr. 2007 ; 61(Suppl. 1) :S122–131.
  1. Thorsdottir I, Birgisdottir BE. Copenhagen : Nordic Council of Ministers. Tema Nord ; 2005. Tema Nord Report. Glycemic index – from research to nutrition recommendations? p. 589.
  1. Gibbs M, Harrington D, Starkey S, et al. Diurnal postprandial responses to lowand high glycæmic index mixed meals. Clin Nutr. 2014 ; 33 :889-94.
  1. Dietary Guidelines for Americans 2010. 2012. http ://www.cnpp.usda.gov/DGAs2010-DGACReport.htm [cited 16 November 2011]
  1. Sacks FM, Carey VJ, Anderson CA et al. Effects of high vs low glycemic index of dietary carbohydrate on cardiovascular disease risk factors and insulin sensitivity : the OmniCarb randomized clinical trial. JAMA. 2014 ; 312 : 2531-2541.
  1. Goff LM, Cowland DE, Hooper L, et al. Low glycæmic index diets and blood lipids : a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. NutrMetab Cardiovasc Dis. 2013 ; 23 :1-10. Review.
  1. Maćkowiak K, Torlińska-Walkowiak N, Torlińska B. Dietary fibre as an importantconstituent of the diet. Postepy Hig Med Dosw (Online). 2016 ; 70 :104

7 Commentaires

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7 réponses à “Est-il vraiment pertinent d’utiliser l’indice glycémique pour le choix de nos aliments?

  1. valerie wattenbergh

    Bonjour, peut-il y avoir encore de la vitamine C dans une pomme de terre bouillie???

  2. Laura

    Il serait intéressant de parler de la charge glycémique en plus de l’indice glycémique. Par exemple, la carotte a un indice glycémique plus élevé que la pomme de terre, mais une charge glycémique moindre étant donnée que la part consommée (en gramme) est généralement plus petite que la part de pomme de terre. C’est probablement la charge glycémique des aliments qui rend impertinent le choix des aliments en fonction de l’indice glycémique…

    • Jacqueline

      Si vous avez bien lu mon article au complet, la charge glycémique est bien mentionnée comme plusieurs autres facteurs.

  3. Jocelyna Dubuc

    Merci Jacqueline pour cette recherche, c’est eclairant

  4. CFabienne

    Bonjour j’ai lu avec intérêt votre article, pour avoir moi même entrepris un rééquilibrage alimentaire il y a quelques mois en suivant la méthode IG bas, j’ai perdu près de 10 kg car, comme vous le soulignez, ce  » régime  » n’a d’intérêt que s’il favorise des menus équilibrés à base de légumes légumineuses et moins de sucre. Je précise que j’ai une PR donc adieu pain intégral maison, une source de bonheur pour moi le matin car calé sans problème jusqu’à midi.

  5. Roger

    Excellente analyse avec des effets que j’ai constaté depuis longtemps au quotidien étant diabétique de type 2. Soyons nos propres cobayes… et observons les réactions de notre corps en fonction de nos choix alimentaires. Merci Jacqueline pour vos actions ! Bien à vous.

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