Réponse à Normand qui se pose des questions à propos de la pertinence du vaccin actuel

La question de Normand:

Bonjour Jacqueline, il y a un an (janvier 2021), une Suzie vous demandait votre opinion sur les Vaccins à Arn messager… Vous lui aviez répondu, entre autre :

« Nous avons la chance de disposer de deux excellents vaccins à ARNm qui sont très efficaces et qui devraient permettre de mettre un terme à la pandémie d’ici quelques mois lorsque la grande majorité des gens auront été vaccinés. »

Avec notre taux de vaccination exceptionnel et la situation qui perdure, est-ce que votre opinion a évolué depuis et quoi penser de l’incapacité des vaccins à Arn à avoir mis fin à la circulation et aux contaminations.

Est-il temps de reconsidérer l’approche Chinoise qui consistait en un Vaccin à virus complet inactivé (je crois que la française Valneva travaillerait sur un tel vaccin).

As-t-on choisi le mauvais cheval et à quoi ça rime d’insister pour que les non-vaccinés aillent se chercher une première dose d’un vaccin qui est maintenant connu pour perdre rapidement son efficacité et qui a été concu pour la souche originale qui n’est plus en circulation ???

La réponse de Jacqueline:

Bonjour  Normand,

Je n’ai pas changé d’avis au sujet des immenses qualités et de l’avancement exceptionnel que représentent les vaccins à ARN messager. Les études actuelles ont démontré que la méthode traditionnelle de fabrication des vaccins à partir de virus complets inactivés donne des résultats nettement inférieurs à ceux des vaccins à ARN messager.  Non seulement les taux d’efficacité  contre la COVID-19 se sont avérés supérieurs, mais la technologie des vaccins à ARN comporte de multiples autres avantages  dont entre autres la souplesse quant aux antigènes possibles que l’on peut tester rapidement et la rapidité de production des vaccins.

Toutefois, il est vrai que nous sommes déçus de constater que malgré notre taux de vaccination très élevé, le virus continue à circuler et que même les personnes vaccinées peuvent malgré tout être infectées.  Il est important toutefois de préciser que dans la très grande majorité des cas, le vaccin permet d’éviter les conséquences les plus néfastes de ce type d’infection virale. De plus, des études récentes, par exemple  l’étude effectuée dernièrement chez le personnel soignant des hôpitaux au Québec (étude publiée dans LE DEVOIR), révèle que les soignants, qui ont été contaminés par le virus avant d’avoir pu bénéficier du vaccin (non disponible à ce moment) présentent un taux très élevé de cas de  Covid longue.  Jusqu’à maintenant,  il semble bien que le développement de la COVID longue se manifeste de préférence chez les personnes qui n’étaient pas vaccinées au moment de l’infection. Cela naturellement devra être confirmé par des études plus approfondies

Vous demandez : pourquoi on nous recommande maintenant d’aller chercher une ou des doses d’un vaccin fabriqué à partir de la souche originale qui n’est plus en circulation?

Pour répondre à votre question, il est important de remettre la fabrication du vaccin à ARMm dans son contexte, soit de tenir compte du fonctionnement de notre système immunitaire qui comporte encore beaucoup d’inconnu ainsi que des connaissances limitées que nous avions du SARS-CoV-2 au début de la pandémie.  Au départ, il faut reconnaître que le système immunitaire est extrêmement complexe même si depuis une vingtaine d’années la science a fait des progrès remarquables  dans ce domaine.  Malgré tous ces progrès, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir  pour comprendre parfaitement l’ensemble des subtilités de fonctionnement de nos systèmes de défense inné et adaptatif  qui ont la lourde tâche de discriminer à la perfection  le soi du  non-soi et ceci  dans des environnements complexes (entre autres dans notre organisme) où s’entrecroisent de multiples molécules antigéniques découlant de la grande diversité génétique et épigénétique que l’on retrouve dans le monde vivant.  Vous conviendrez que de travailler (souvent à l’aveugle) dans ce contexte pour produire des vaccins contre des agents pathogènes est loin d’être aisé.  C’est pourquoi  le fait d’avoir réussi à fabriquer des vaccins efficaces et sécuritaires à l’intérieur d’une année contre un virus que l’on connaissait mal et ceci grâce à la collaboration exceptionnelle de scientifiques ainsi qu’à leur travail acharné dans l’urgence et cela malgré la forte la compétition habituelle qui existe entre les chercheurs est à mon humble avis un véritable exploit.

En second lieu,  il faut souligner que l’on connaissait peu les Coronavirus car  pendant longtemps, les scientifiques considéraient que ces virus  étaient des agents pathogènes sans conséquence qui provoquaient  un « rhume » chez des personnes par ailleurs en bonne santé. Conséquemment, la recherche dans ce domaine était limitée. Donc, lorsque l’épidémie causée par un coronavirus que l’on a nommé depuis virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-1) s’est produite en 2002-2003, il s’agissait de la première maladie grave et facilement transmissible à apparaître au 21e siècle ; il va s’en dire que cette épidémie a soulevé de l’inquiétude dans la Communauté scientifique.  À ce moment, Hong Kong était  la région la plus durement touchée  par ce Coronavirus.  Cette infection fut  à l’origine de la propagation de cette maladie dans de nombreux autres pays dont une éclosion à Toronto. On a  suggéré alors que des facteurs environnementaux pouvaient avoir joué un rôle dans la propagation du virus. Dans un article publié en 2004, les auteurs concluaient  que nous avions eu de la chance cette fois-ci, mais que nous ne le serions peut-être pas lors de la prochaine épidémie d’un nouvel agent étiologique.

Dix-sept ans plus tard, depuis le rapport du premier cas d’infection de COVID-19 (SARS-Cov-2) à Wuhan en Chine à la fin de 2019,  nous vivons dans un monde différent.  Heureusement, très rapidement, la Communauté scientifique, à la fois  académique et industrielle,  a fourni des efforts concertés pour développer des vaccins sécures et efficaces afin de protéger les populations du globe contre un virus potentiellement mortel et très contagieux. En date du 25 novembre 2021,  de nombreuses collaborations ont permis de travailler  sur 150 candidats vaccins et 515 essais cliniques. Ces 150  candidats vaccins reposent sur différentes technologies : vaccins traditionnels basés sur des virus inactivés, sur des protéines du virus, sur des protéines recombinantes du virus, sur des vaccins à ADN livrés dans un vecteur viral inoffensif, sur des vaccins à ARN messager livrés dans des liposomes et tout récemment sur des vaccins à particules pseudovirales produites sur plantes.

Même si cela a pris un temps très court par rapport aux méthodes traditionnelles pour développer les premiers vaccins à ARN-messager, rien n’a été négligé en termes de sécurité. Les raisons qui ont permis ces avancées incroyablement rapides sont dues aux faits suivants : 1) depuis plus de 30 ans, des scientifiques se sont appliqués (malgré la grande fragilité de l’ARNm) à tenter de développer une thérapie génique basée sur l’ARNm pendant qu’une majorité des chercheurs dans ce domaine travaillaient à partir de l’ADN. Il faut reconnaître ici le travail intuitif et acharné de la chercheuse Katalin Kariko qui dès 1990 avait soumis une demande de subvention dans laquelle elle proposait d’établir une thérapie génique basée sur l’ARNm. Au cours des années qui ont suivi, de nombreux travaux  sur la thérapie génique basée sur l’ARNm se sont poursuivis. À partir de la même époque, parallèlement et de façon indépendante,  des équipes de chercheurs travaillaient sur le développement de liposomes aptes à protéger des molécules organiques et à permettre leur introduction dans des cellules vivantes.  Une revue de question (Review) publiée en février 2022 dans la revue Pharmaceutics sous le titre  Lipid Nanoparticle Delivery Systems to Enable mRNA-Based Therapeutics relate  le chemin parcouru pendant ces trois décennies, lesquels travaux ont permis,  lorsque la pandémie de COVID-19 s’est déclarée, d’assembler ces différents pièces du casse-tête pour fabriquer dans l’urgence deux vaccins à ARNm qui se sont avérés très efficaces et ceci dans un temps record.   

Pourquoi une troisième dose contre le variant omicron s’avère-t-elle encore efficace à environ 70% malgré les nombreuses mutations que ce virus a subi par rapport à la souche originale de SARS-CoV-2 qui a servi à la fabrication des vaccins à ARNm?

Les recherches actuelles sur la COVID-19 ont permis des avancées et une meilleure compréhension de notre système immunitaire concernant l’influence des immunisations successives d’un même antigène sur le système immunitaire; ainsi on a pu démontrer que les lymphocytes T, à mesure qu’elles sont sollicitées par des immunisations successives avec un même antigène, subissent des  mutations qui résultent dans une sélection serrée  des cellules T mémoires qui deviennent de plus en plus efficaces contre l’agent infectieux  parce que ces cellules présenteraient un spectre à la fois plus large et plus efficace  de leurs réponses contre le virus.  Dans ce sens, j’ai lu dernièrement qu’on avait testé un vaccin expérimental à partir de la souche Omicron mais que ce vaccin ne s’était pas montré plus efficace contre la souche Omicron que la troisième dose du vaccin initial.

Pour terminer, voici les raisons qui expliquent pourquoi  les essais cliniques avec les vaccins à ARNm ont pu être réalisés dans un temps record, sans négliger aucunement leur qualité et leur sécurité : 1) vue l’urgence de la situation,  les compagnies disposaient de sommes d’argents pratiquement illimités venant entre autres des gouvernements et l’appui de ces derniers pour permettre de diminuer de façon drastique les délais  habituels pour obtenir le droit de débuter les essais cliniques des vaccins; 2) les compagnies pharmaceutiques, d’après ce qui a été affirmé lors d’une émission sur les vaccins à Découverte de Radio-Canada, ont effectué  parallèlement les essais cliniques de niveau I, II et III, ce qui a sauvé énormément de temps, sans que soit diminué la qualité et la sécurité des vaccins

11 Commentaires

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11 réponses à “Réponse à Normand qui se pose des questions à propos de la pertinence du vaccin actuel

  1. Marie-Hélène Côté

    Bonjour et merci beaucoup Jacqueline d’avoir pris le temps d’écrire une réponse fouillée à cette question d’actualité. Votre intervention m’incite à vous poser une question.

    Je me demande si le régime hypotoxique pourrait avoir un effet bénéfique pour les personnes atteintes de la COVID longue?

    Merci encore pour tout ce que vous entreprenez pour faire connaître les principes d’une alimentation saine.

    Marie-Hélène

    • Jacqueline

      Bonjour Marie-Hélène, parce que le régime hypotoxique est anti-inflammatoire et que des niveaux accrus de marqueurs pro-inflammatoires (par exemple, CRP, IL-6 et D-dimères) et de lymphopénie ont été associés à la Covid longue, le fait d’adopter un régime alimentaire anti-inflammatoire présente de bonnes chances d’aider les personnes ainsi affectées.

      Selon l’article suivant: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34024217/, il a été proposé que le dysfonctionnement des lymphocytes T puisse favoriser la physiopathologie longue du COVID de la même manière que dans les maladies auto-immunes (bien qu’il ne soit pas confirmé si ces auto-anticorps durent longtemps dans le COVID-19)….
      Il semble que ces auto-anticorps soient fortement liés aux maladies auto-immunes chroniques, telles que les syndromes des antiphospholipides et de Sjogren, le lupus érythémateux et la polyarthrite rhumatoïde [114]. Notamment, les revues sur le lupus et la polyarthrite rhumatoïde présentent également des ressemblances symptomatiques avec le long COVID : fatigue, douleurs articulaires, difficultés de concentration et maux de tête [115,116.

  2. Gagnon Chantal J.

    Tout à fait pertinent et instructif. Merci beaucoup pour votre disponibilité madame Jacqueline.

  3. Irène

    Bonjour, L’analyse est en effet impressionnante par sa profondeur. J’ai énormément de respect pour vous et tout ce que vous avez accompli. J’ai une grande confiance en votre jugement et j’ai lu tous vos livres et je suis le régime hypotoxique depuis plusieurs années. Toutefois, je suis étonnée de ne rien lire sur les effets secondaires des vaccins. Le manque de nuances, en particulier par rapport aux comorbidités et aux catégories d’âge dans cet article sème un doute dans mon esprit quant à la neutralité du discours. C’est décevant venant d’une personne qui ne semblait pas avoir peur de nager à contre-courant.

    • Jacqueline

      Bonjour Irène,
      Je vous rappelle que j’ai simplement répondu aux questions de Normand, rien de plus. Normand n’a pas abordé le sujet des effets secondaires de ces vaccins. Par contre, déjà une réponse assez longue s’imposait pour bien expliquer pourquoi je suis toujours impressionnée par les vaccins à ARNm. Si j’ai mis 39 jours à répondre à Normand, c’est que je dispose de peu de temps pour m’occuper de mon blogue. Ceci parce que je rédige actuellement un livre qui s’est imposé à moi comme un incontournable en raison du refus persistent de la part de nombreux soignants d’accepter de reconnaître le fait suivant : une alimentation anti-inflammatoire (donc qui évite certains aliments à caractère pro-inflammatoire) est un moyen très efficace et sans effets secondaires de prévenir et de mettre en rémission la grande majorité des maladies inflammatoires chroniques. Cette affirmation est démontrée de façon convaincante par les milliers de personnes qui ont pris la peine de témoigner de leurs expériences suite au suivi d’un tel régime alimentaire; d’ailleurs leurs témoignages sont souvent confirmés par des tests médicaux. Ces témoignages courageux, souvent exceptionnels, qui parfois s’expriment à partir de dialogues entre plusieurs lecteurs dans un but d’entraide mutuel, sont à mon avis beaucoup plus signifiants que bien des méta-analyses à double insu. Pour toutes ces raisons, sans oublier mon âge, je considère qu’il est essentiel de pérenniser ces magnifiques et courageux témoignages, parallèlement à une mise à jour des sujets qui préoccupent mes lecteurs.

  4. Joan Chrétien

    Chère Jacqueline,
    Je vous remercie infiniment de nous partager vos connaissances et ces informations. Je comprends beaucoup mieux la sphère d’action du vaccin contre la COVID-19. Serait-il farfelu de dire que nous aurons besoin de doses annuelles de rappel au même titre que le vaccin antigrippal ? Quoi qu’il en soit, cette pandémie nous aura clairement démontré que notre hygiène de vie a une influence sur nous ET sur la communauté.

    • Jacqueline

      Bonjour Joan, actuellement, personne ne peut prédire avec certitude ce qui adviendra du SARS-Cov-2. Est-il là pour rester? Se peut-il qu’il disparaisse comme l’a fait le SARS-CoV-1. Nous faisons face actuellement au mutant Omicron BA.1 ainsi qu’à ses mutants secondaires apparentés BA.2, BA.3; ces derniers étant apparemment encore plus contagieux que BA.1, il est possible que ces variants infectent l’ensemble de la planète. S’il est vrai que la capacité de mutations du SARS-CoV-2 n’est pas infinie dans la région du virus essentielle pour l’infection, cela associé à la très grande contagiosité de ces variants, sans oublier la protection, même imparfaite apportée par les vaccins, on peut penser qu’il serait peut-être possible de se débarrasser finalement du SARS-Cov-2.
      En ce sens, dans une étude publiée en janvier 2022, (Epistatic models predict mutable sites in SARS-CoV-2), les auteurs concluaient : « nous constatons une surreprésentation des mutations dans les variants préoccupants actuel ». S’il y a une surreprésentation des mutations dans les variants actuels du SRAS-CoV-2, peut-être que cela pourrait signifier que les mutations possibles au site clé du virus se soient déjà exprimées? Quand on est optimiste, on peut toujours rêver…

      Toutefois, on entend surtout actuellement l’hypothèse que le SARS-CoV-2 restera présent dans la Communauté sous une forme endémique. Conséquemment, il est possible que nous devions vivre avec ce virus un peu comme on le fait avec la grippe et que nous devions périodiquement vacciner les plus faibles.

  5. peallat

    Merci pour cette réponse à la fois pédagogique et très bien documentée !

  6. louise farly

    Si ça te tente , un article qui démontre l’utilité de la vaccination présentement.
    À plus
    Louise xxx

    Envoyé de mon iPad

  7. Jocelyne Cardinal

    Madame Lagace,
    Comme je suis contente de lire votre réponse sur la pertinence des vaccins arn. Tellement complet et pointu comme compréhension.
    En même temps, je demeure découragée face à mes amies anti vaccin, ces explications ne passeront pas, malheureusement. Merci, je garde ces informations précieusement.

  8. Richard Loulou

    Merci Jacqueline pour cette synthèse remarquable et très complète. Comme toujours, votre compétence et votre dévouement nous éclairent sur une question de grande importance. Merci encore.
    Richard Loulou, PhD

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